
Partir en famille pour une vie nomade ou un tour du monde, c’est excitant… mais qu’en est-il de l’instruction en voyage ? Quels choix s’offrent à vous pour instruire vos enfants, et comment les mettre en place ? Dans cet article, on fait le point sur les options possibles et on vous partage notre propre expérience
L’instruction et la loi française
En France, l’instruction est obligatoire jusqu’à 16 ans. Jusqu’en 2021, l’instruction en famille pouvait être pratiquée librement, en faisant une déclaration auprès des services de l’éducation nationale. Depuis la loi de 2021, l’instruction familiale reste possible mais soumise à autorisation, sous certaines conditions.
Pour les résidents en France, un dossier de demande d’IEF doit être formulé auprès de la DSDEN de votre département entre le 1er mars et le 31 mai, pour la rentrée suivante. Vous devez être dans l’une de ces situations pour espérer l’obtenir :
- raison de santé ou handicap
- pratique d’une activité sportive ou artistique intensive
- itinérance ou éloignement géographique d’un établissement scolaire
- situation propre à l’enfant justifiant l’IEF (en fournissant un projet éducatif)
L’itinérance dans ce cas de figure doit être entendue sur le territoire français. En effet, si vous êtes itinérants hors France la règle change.
École et instruction en famille pour les voyageurs
Pour les voyages et les personnes itinérantes hors de France, à partir de 3 mois, vous n’êtes plus soumis aux lois françaises sur l’instruction. Vous êtes alors libres d’instruire vos enfants comme vous le souhaitez, sans autorisation.
Il est néanmoins important de garder à l’esprit :
- Si vous partez voyager durant une période définie, prévenez l’établissement scolaire afin de préparer au mieux votre retour.
- Si vous revenez vous installer en France et souhaitez scolariser à nouveau vos enfants, il pourra alors leur être demandé de passer des tests pour vérifier qu’ils ont le niveau nécessaire.
- Si vous restez plus de trois mois dans un pays, vous devez alors respecter les lois de ce pays en matière de scolarisation des enfants. Tous les pays n’autorisent pas l’instruction en famille (un article de Valérie Sakly pour en savoir plus).
Enfants et instruction en voyage
Depuis bientôt 3 ans que nous sommes nomades, nous avons rencontré de nombreuses familles et chacune avait sa propre organisation concernant l’école et l’instruction en voyage. Pour certaines, mettre un réveil et consacrer un temps fixe tous les jours était nécessaire. Pour une autre, étudier l’ensemble du programme était important, afin de reprendre sereinement l’école à leur retour en France. D’autres encore laissent libre cours aux apprentissages.
Faisons un petit tour des différentes possibilités qui s’offrent aux familles instruisant à domicile.
Cned
Le CNED pour Centre National d’Enseignement à Distance est un organisme français proposant des cours par correspondance. Il s’appuie sur le programme de l’Éducation nationale. Il existe deux cas de figure pour étudier avec eux. Dans tous les cas, faire appel au Cned ou à un autre cours par correspondance n’est absolument pas obligatoire.
Le Cned peut avoir un côté rassurant. Les cours sont prêts, il suffit de suivre la progression. Les enfants ont alors suivi les mêmes notions que celles vues en classe (en France).
Cned réglementé
Cela n’est possible qu’après accord de l’académie ou d’une ambassade. L’enfant est alors considéré comme scolarisé, au même titre que les enfants en établissement scolaire. À ce titre, il y a des devoirs à renvoyer régulièrement, qui seront notés. Cette formule est en principe possible pour les enfants français expatriés à l’étranger et non pour les cas de mobilité internationale, nous avons néanmoins pu y avoir recours après accord d’une ambassade.
Cned "libre"
Les cours sont ici les mêmes que pour la formule réglementée. La différence réside dans la liberté de s’inscrire et l’absence d’obligation d’assiduité. Si vous le souhaitez, il est remis en fin d’année un certificat des notes obtenues, n’ayant pas de valeur officielle.
Il est également possible de s’inscrire pour ne suivre que quelques matières au choix.
Dans tous les cas, il n’y a pas de cours en “visio”. Chaque enfant travaille seul et renvoie les devoirs selon son propre rythme.
Notre expérience du Cned
Durant un voyage ou une vie itinérante, le choix du Cned peut toutefois être compliqué. Il vous permet de vous délester de la préparation des cours. Mais la charge de travail est importante et très chronophage. Ce mode de fonctionnement laisse peu de place à l’imprévu et à l’approfondissement des expériences vécues et observées.
Pour notre part, nous n’étions pas favorables au Cned. Nous y avons toutefois eu recours pour notre fille Romane. Ayant dans l’idée de passer le Bac, elle souhaitait se préparer avec le Cned. Elle nous avait donc demandé de l’y inscrire. Nous avons respecté son choix. Elle termine cette année son cursus de lycée avec cet organisme.
Sans surprise, ce choix lui a imposé beaucoup de travail et de temps. Le rythme imposé est conséquent et dense. L’accompagnement est assez faible, tout du moins pour le lycée.
Elle ne regrette pas son choix, c’est ainsi qu’elle se sentait rassurée. La vie nomade est parfois pleine d’imprévus et de changement, cette stabilité lui convenait.
D’un point de vue “parental”, si elle possède effectivement les connaissances imposées par l’Éducation Nationale pour passer le Baccalauréat, les enseignements sont rigides et plutôt monotones. Cela ne peut convenir qu’à un ado motivé et assez autonome (vous pouvez retrouver notre avis complet sur le Cned ici).
Pour les enfants plus jeunes, il existe de nombreuses autres possibilités, plus souples et moins scolaires.
Les autres cours par correspondance
Si vous souhaitez pouvoir vous appuyer entièrement sur des cours déjà prêts, il existe des alternatives au Cned.
Ces autres cours ne proposent pas de formule “réglementée” que seul le Cned est autorisé à faire.
Il y a de nombreuses écoles, toutes sont payantes puisque privées. Certaines s’appuient sur une pédagogie assez traditionnelle, d’autres sont beaucoup plus ouvertes et ludiques.
Parmi elles, nous pouvons citer : les cours Griffon, le cours Legendre, les cours PI, Cneel.
Nous n’avons pas l’expérience de ces cours et ne pouvons donc en témoigner. N’hésitez pas à nous partager vos retours en commentaire.
L'instruction en famille "formelle"
Le nom n’est peut-être pas très représentatif, mais vous allez comprendre ce que j’entends par là. Cette manière de fonctionner offre une plus grande liberté dans les savoirs et le rythme de travail, mais reste “cadrée”.
Vous allez ici définir votre propre rythme. Horaires fixes ou s’adaptant aux aléas ? Toutes les matières ou seulement certaines ? Tous les jours ou plus épisodiquement ? Programme officiel ou non ?
Les réponses à ces questions dépendent de l’âge de vos enfants. Entre un enfant de 8 ans et un adolescent, les aspirations et enjeux seront différents.
Cela dépendra aussi de votre projet. Faites vous une pause voyage avec un retour à l’école, ou êtes vous partis sans date de retour. Dans le second cas, vous pouvez penser et individualiser votre fonctionnement sur du plus long terme.
Notre fonctionnement "d'école" en voyage
Notre fonctionnement avec Alix, notre dernière fille est un mélange de toutes ces possibilités. Nous n’avons pas d’horaires fixes, mais en général on apprécie de travailler le matin, se remettre à étudier en fin de journée n’est pas trop pour nous. Nous ne nous imposons pas d’obligation. Si elle est fatiguée, elle dort pour se reposer, s’il fait beau et que nous souhaitons sortir, nous le faisons sans complexe. Si elle travaille un sujet et qu’elle a envie d’y passer des journées entières, elle le fait.
Nous suivons le programme de loin. Disons que c’est un fil conducteur mais qu’il ne nous enferme pas. Par exemple, elle a travaillé la renaissance lors de notre séjour en Toscane. Nous étions baignés dedans, c’était parfait. Elle a travaillé sur des principes physiques et technologiques lors de panne de notre camping-car. Nous nous appuyons beaucoup sur ses propres envies de découverte et sur les opportunités que notre vie nous apporte.
Au quotidien, nous nous sommes “fabriqués” un tableau qui permet de suivre ce qu’elle fait et apprend, lorsque nous préparons un sujet.
L'unschooling
Terminons par la moins formelle. L’unschooling, qui peut se traduire par “pas d’école”. C’est une forme d’instruction où la liberté est le maître-mot. Vous ne préparez pas de “programme” et n’imposez rien. Votre enfant est maître de ses apprentissages, qu’il choisit et expérimente à son rythme, dans son quotidien.
Tous les moments de la vie sont une source potentielle d’apprentissage. Chaque enfant, chaque famille fonctionne à sa manière. Cette philosophie de vie permet à votre enfant une grande autonomie et confiance en soi.
Il vous appartient d’être disponible pour répondre à ses questionnements. L’environnement doit être stimulant pour permettre aux enfants de s’épanouir, mais le voyage est une source intarissable de découvertes ! Comme pour une instruction plus formelle, vous pourrez vous appuyer sur des livres et internet, que votre enfant utilisera au gré de ses besoins et envies.
La difficulté réside sans doute dans votre lâcher prise. Dans cette manière d’apprendre, vous ne maîtrisez pas le moment d’acquisition des apprentissages et découvertes. Si de nombreuses familles nomades optent pour cette option, cela peut être plus difficile si vous envisagez un retour à l’école, plus protocolaire après votre voyage.
Il existe autant de façons d’apprendre que de familles et même d’enfants. La bonne solution est celle qui convient à tout le monde, parents comme enfants. Votre décision dépendra bien sûr de votre projet. Après 3 ans de nomadisme, nous sommes vraiment convaincus de la capacité des enfants à apprendre, partout, tout le temps. Si l’éducation nationale a balisé un cadre dans lequel apprendre, le voyage permet de repousser ces limites. Votre enfant n’aura peut-être pas étudié les programmes prévus en France, mais il en aura appris tellement d’autres !!
N’hésitez pas à nous laisser votre avis sur ce premier article en commentaires !
Gabriella
posté à 13:12h, 09 janvierBonjour,
Devons nous faire une démarche auprès d’un quelconque organisme lorsque nous décidons de partir en voyage a l’étranger ? ( Concernant la scolarité des enfants)
Merci par avance et merci pour cet article
savoirsnomades
posté à 08:23h, 13 janvierBonjour Gabriella, merci d’avoir pris le temps de me lire 😊.
Pour votre question, tout dépend de la durée de votre voyage et de votre lieu de résidence. Si vous vivez en France, il y a en effet des démarches à effectuer (j’imagine que pour les autres pays aussi mais je ne pourrai répondre dans ce cas). Si vous partez plus de 3 mois, vous n’êtes plus soumis aux lois françaises sur l’instruction, vous adressez alors un courrier à la DSDEN de votre académie pour prévenir de votre départ à l’étranger ainsi qu’à votre mairie. Pensez aussi à informer l’école. Si vous partez moins de 3 mois, il peut être intéressant de voir directement avec l’école de vos enfants comment procéder, il faut sans doute faire une demande d’autorisation d’IEF auprès de la DSDEN.
En espérant vous avoir aidé. N’hésitez pas si besoin.
Audrey
Philippe
posté à 15:32h, 20 marsBonjour,
nous souhaitons pour des raisons professionnelles partir de nombreuses fois à l’étranger l’année scolaire prochaine. Puis re scolariser notre enfant l’année suivante.
Donc retirer notre enfant de l’école car nous partirions environ la moitié de l’année par période de 1 mois sur 2 environ.
Connaissez vous les démarches ?
Car impossible de trouver la réponse, l’éducation national ne répondant pas à nos questions non plus, car nous serions hors cadre …
Merci pour cet article très instructif en tout cas.
Philippe
savoirsnomades
posté à 09:15h, 07 maiBonjour Philippe, je suis vraiment navrée de cette réponse plus que tardive. Votre commentaire était passé entre les mailles du filet, vraiment désolé.
Je ne suis pas spécialiste de la question, mais je dirais que légalement si vous êtes présents 1 mois sur 2 en France, il faudrait sans doute faire la demande d’ief au motif 3.
Mais vous pouvez aussi faire une déclaration d’itinérance à l’étranger (absence du territoire français). Ce qui ne vous empêche pas de faire des passages en France durant cette absence. Vous réinscrivez vos enfants quand vous rentrerez définitivement (comme si vous étiez partis toute l’année).
Vous pouvez vous rapprochez des associations ief qui pourront peut-être vous aider aussi.
Merci de votre commentaire, en espérant vous avoir aider néanmoins.
Audrey
Lena
posté à 08:07h, 04 maiBonjour,
Dans un des commentaires vous indiquiez qu’on ne dépend plus du système d’instruction français si on part de france plus de 3 mois. Sur quel document ou site officiel avez vous trouvez l’information pour que je puisse m’y référer?
Merci!
savoirsnomades
posté à 09:07h, 07 maiBonjour Léna, merci pour votre commentaire. Je n’ai malheureusement pas un texte clair et net à vous indiquer. Vous pouvez vous reporter à l’article R131-11-4 du code de l’éducation, qui précise la nécessité de l’autorisation pour l’itinérance en France.
En fait la formulation correcte est : les lois sur l’instruction s’appliquent si on passe au moins 3 mois dans un pays.
En France, les textes disent que les enfants doivent être scolarisés (ou en IEF autorisé) s’ils se trouvent sur le territoire français.
Si vous quittez la France et que vous déscolarisez vos enfants, alors vous n’êtes pas tenu à la demande d’IEF, puisque l’itinérance à l’étranger ne fait pas parti des motifs pour l’autorisation d’IEF, vous avez heureusement le droit de circuler et d’avoir des projets (vous faites une déclaration de départ à l’étranger, sans date de retour).
En espérant vous avoir aidé…