Notre périple nous amène aujourd’hui à la découverte d’une cérémonie des derviches tourneurs en Turquie. Les derviches tourneurs sont un ordre musulman né à Konya. Issue du soufisme, cette branche de l’islam présente une vision plus ésotérique de la foi et de la religion.
Nichés au cœur de la Turquie, nous vous partageons notre expérience de cette cérémonie, un moment unique, et on vous explique comment y assister à votre tour.
L’expérience en bref
Lieu : Konya, Turquie. Il est aussi possible de voir des cérémonies à Istanbul (payantes)
Période : toute l’année. La plus grande cérémonie a lieu le 17 décembre, anniversaire de la mort de Rumi
Budget : gratuit
Météo : en intérieur
Liens scolaires : Histoire, religion, poésie
Dossier ressources disponible pour cet article :
Les derviches tourneurs
Konya, berceau de l’ordre des derviches tourneurs
Konya, ville des hauts plateaux d'Anatolie
La route menant à Konya depuis le sud du pays est spectaculaire, elle traverse de grands espaces, les paysages sont superbes.
Au fur et à mesure que nous nous approchons, la plaine aride laisse place à la ville. Konya, gigantesque ville de 2 millions d’habitants, installée à 1087 mètres d’altitude se découvre du haut d’une colline. Elle dévoile alors toute sa grandeur, elle semble comme posée au milieu de cet immense plateau.
La Turquie est fascinante de diversité : après avoir profité de la beauté des côtes du sud, nous changeons littéralement de décor. Nous sommes en juillet, et si les températures sont toujours hautes en journée, elles ont le mérite d’être fraîches et agréables en soirée (attention d’ailleurs si vous vous y rendez en hiver, il y fait très froid !).
Konya, centre religieux de Turquie
Konya est l’un des centres religieux du pays. On y compterait 3000 mosquées !! Comme dans le reste de la Turquie, la bienveillance et l’ouverture sont de mise dans cette ville. Chacun est libre de s’habiller comme il le souhaite, néanmoins nous nous sentons plus à l’aise d’éviter des vêtements trop courts et trop décolletés, afin de respecter les valeurs de chacun.
Si Konya est si religieuse, c’est sans doute car elle est le berceau des derviches tourneurs. C’est en effet ici, qu’au XIII° siècle est née cette voie issue du Soufisme, branche spirituelle et mystique de l’Islam.
Le Soufisme
Cette branche de l’Islam aborde la religion avec une vision plus ésotérique, plus mystique. Pour les adeptes du Soufisme, le but est de se rapprocher de Dieu, de pouvoir communier avec lui plus intimement. Les différentes voies Soufis ont alors développé leurs propres rites et cérémonies : chants, danses, poèmes doivent permettre de rentrer en transe pour atteindre cet objectif.
Les derviches tourneurs sont sans doute l’une des voies les plus connues du Soufisme.
À voir dans Konya
- Le centre ville et le bazar
Beaucoup moins touristique que ceux d’Istanbul ou Izmir, vous pourrez déambuler tranquillement dans les différentes zones, toujours sous le regard bienveillant des habitants.
- Mausolée et musée Mevlana
Ce lieu est un pèlerinage important pour les musulmans. Les bâtiments et jardins sont vraiment très beaux, mais le manque d’explications dans le musée rend la compréhension assez difficile. Nous n’avons vu que trop tard qu’il y avait des audio guides, cela aurait sans doute été plus intéressant avec.
Entrée gratuite – Situer le musée – Site internet.
- La mosquée Alauddin
Datant du XII° siècle, cette mosquée offre des colonnes sculptées de styles et d’époques différents : byzantin, grec et romain. Elle possède un minbar (estrade de prêche de l’imam) en ébène sculpté. Il n’en existe que 2, l’autre se trouvant à Casablanca au Maroc. L’atmosphère ici est sereine, et la richesse de ses ornements rappelle l’importance historique de ce lieu.
- Le musée des sciences
Situé à l’extérieur de la ville, il est paraît-il vraiment superbe, regorgeant d’expériences scientifiques. Nous n’avons malheureusement pas pu le tester.
Entrée 10 TL (environ 30 centimes) – Situer le musée – Site internet
Rûmî dit Mevlana : le maître, fondateur des derviches tourneurs
Jalal ad-Din Rumi, dit Mevlana
Les derviches tourneurs, membres de l’ordre soufi, ont donc été fondés en Anatolie (Turquie) par le poète et théologien persan Jalal ad-Din Rumi au XIIIe siècle.
Ce philosophe visionnaire, connu pour sa sagesse, prônait la paix intérieure et l’amour inconditionnel.
L’œuvre majeure de Rumi est le Mathnawi, un recueil de poèmes inspirés du Coran. Ils prônent l’amour, et notamment l’amour divin, comme moyen de transcender les limites humaines.
Valeurs des derviches tourneurs
L’amour inconditionnel, la tolérance, l’humilité, et la quête de la vérité spirituelle sont les valeurs fondamentales portées par les derviches tourneurs.
Dans ce courant de pensée, Rumi défendait l’égalité, notamment entre hommes et femmes. C’est d’ailleurs en tant que symbole d’ouverture que les premiers derviches étaient mixtes.
La voie des derviches tourneurs aujourd'hui
L’ordre des derviches tourneurs s’est développé et répandu durant plusieurs siècles. Les cérémonies des derviches tourneurs en Turquie, très importantes durant le règne Ottoman, furent interdites en 1926, lors de l’arrivée d’Atatürk au pouvoir dans le pays. Il faudra alors attendre les années 1950 pour qu’elles soient à nouveau autorisées légalement.
Cette coupure aura raison de la place des femmes au sein de l’ordre, des maîtres Mevlevi plus conservateurs vont leur interdire de participer aux cérémonies. Elles ne sont plus qu’une minorité aujourd’hui, principalement à Istanbul. Une jolie leçon de résistance pacifiste pour l’égalité et la place des femmes dans la société et les religions.
En 2008, l’Unesco a inscrit les cérémonies des derviches tourneurs au patrimoine immatériel mondial.
Le centre municipal propose d’assister gratuitement à ces cérémonies les vendredis soirs et dimanche après-midi. Il suffit de s’y rendre à l’avance pour retirer des invitations, le nombre de places étant limité.
S’il n’est pas possible pour vous de vous y rendre sur ces créneaux, il existe des cérémonies à d’autres moments, pour lesquelles l’accès est payant au centre culturel Mevlana se trouvant juste à côté.
N.B : en véhicule, vous pouvez vous garer sans problème sur le parking du centre municipal et y rester la nuit. Le parking est idéal pour les partis de vélo et de rollers entre 2 visites 😉
Cérémonie des derviches tourneurs en Turquie : plongée dans un rituel mystique
Vous l’aurez compris, notre passage à Konya est principalement motivé par l’envie d’assister à une Sema, une cérémonie traditionnelle des derviches.
Déroulement d'une Sema, cérémonie des derviches tourneurs
Les cérémonies ont lieu dans une salle dédiée, de forme circulaire. Celle où nous nous trouvons n’est pas très grande, permettant une ambiance plutôt feutrée et intimiste. Une “piste” se trouve au centre.
Il nous est rappelé qu’il ne s’agit pas d’un spectacle mais bien d’une cérémonie religieuse et spirituelle. À ce titre, il n’est pas possible de rentrer dans la salle après le début de la cérémonie, et normalement pas possible d’en sortir avant la fin. Le calme et le silence sont aussi attendus. Ces conditions peuvent ne pas être évidentes pour de jeunes enfants (le fils de nos amis âgé de 5 ans a tenu toute la durée sans problème, soit 1 heure).
Un écran est installé au-dessus de la piste, offrant une traduction des chants.
Le Mutriban, orchestre d’instruments traditionnels
La danse, la musique et la poésie ont une place prépondérante dans la philosophie des derviches tourneurs, c’est donc naturellement qu’elles prennent place lors des cérémonies. Le mutriban, orchestre d’instruments traditionnels et de chanteurs, va accompagner les derviches vers leur état de transe. Parmi les différents instruments, on peut citer le ney, le tandûr et le daf.
Le ney
Le ney est une flûte en bois de roseau, c’est l’instrument par excellence de la cérémonie des derviches tourneurs en Turquie.
Le daf
Le Daf est une sorte de tambourin, il va rythmer la danse des derviches.
Le tandûr
Instrument à cordes, il est composé d’une caisse ovale et d’un manche plus ou moins long.
Les chanteurs
Ils entonnent des versets du Coran ou des poèmes de Rumi.
Symboles et Significations lors d'une cérémonie
Les vêtements
Les vêtements portés par les derviches au cours de la cérémonie ont tous un lien avec la mort. Pour Mevlana, le moment de la mort est perçu comme un moment de grâce, puisque c’est le moment de rencontre avec Dieu.
Le chapeau conique, appelé Sikke symbolise une pierre tombale.
La cape noire nommée Hirka, portée au début de la cérémonie, représente quant à elle la tombe.
Ils enlèvent ensuite le Hirka pour laisser apparaître le Tennure, cette fameuse robe blanche, symbole du divin et de pureté.
Les mouvements de rotation
Pour atteindre la Transe, les derviches tournent d’abord lentement, puis de plus en plus vite, mimant ainsi le mouvement des planètes autour du soleil.
Ils tournent à la fois sur eux-même et autour de la piste. Ils tournent très longtemps, sur le pied gauche, c’est sincèrement impressionnant ! On se demande vraiment comment ils réussissent à ne pas tomber ! Un exploit physique autant que spirituel.
Les gestes des derviches tourneurs
Chaque geste, chaque mouvement a une signification, une fonction.
Ainsi lors des phases giratoires, la tête est inclinée vers la gauche, du côté du cœur. La main droite est tournée vers le ciel pour accueillir la grâce d’Allah, et la main gauche est tournée vers le sol pour la répandre.
Entre ces phases, les derviches restent immobiles, les bras repliés sur le torse et les mains sur les épaules, symbolisant l’unité divine.
Ressentis et impressions d’une cérémonie de derviches tourneurs en Turquie
J’ai découvert les derviches tourneurs il y a quelques années au hasard d’un reportage. J’avoue que la découverte de cette branche prônant l’amour et la tolérance, ainsi que cette étonnante cérémonie m’avait laissé assez curieuse de pouvoir un jour y assister. Quand l’occasion s’est présentée de passer par Konya, j’étais vraiment ravie ! Je n’avais pas d’attente particulière et je n’ai vraiment pas été déçue.
Il faut sincèrement se laisser emporter par la musique et l’atmosphère poétique et mystique qui se dégage. C’est un moment assez hypnotisant, envoûtant. Les filles avaient 11 et 14 ans lors de cette expérience. Elles aussi ont apprécié d’assister à ce moment, la dimension ésotérique était un peu moins claire pour elles, mais voir cette danse les a impressionnées.
C’est une expérience vraiment unique que nous avons eu la chance de vivre. N’hésitez pas à partager votre propre expérience ou vos questions en commentaire.
Pour aller plus loin
Pour lier cette expérience à l’instruction en famille, nous vous proposons un dossier compilant différentes ressources.
De quoi combler toutes les questions et curiosités !
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